Dimanche 13 mai 2012
Il se passe tellement de choses sur cette mission scientifique qu’on en vient paradoxalement à oublier ce que l’on fait chaque jour. Il faut dire que nous travaillons quelque chose comme trois journées en une.
Pour avoir déjà participé à ce genre d’expédition par le passé, j’avais bizarrement occulté de mon esprit en arrivant sur celle-ci que, sous les Tropiques, la journée démarre vers 5h30 – si pas avant, à écouter, bien abritée sous la tente, la pluie qui tombe, les animaux nocturnes qui s’affairent ou mon horloge interne encore un peu déboussolée.
Après un petit-déjeuner où l’on ne regrette pas de boire un café au lait bien sucré pour prendre des forces et grignoter quelques biscuits, il s’en suit une tornade de prises photos, vidéos et d’interviews rythmées par des allers-retours dans les quatre différents endroits du camp (*) où nous stockons notre matériel pour l’adapter au tournage du moment. Tout ceci s’entrecoupe de nombreuses de discussion avec les chercheurs qui nous rapportent des merveilles parfois un peu effrayantes de la forêt. Nous échangeons aussi avec les grimpeurs et les logisticiens sur leurs derniers exploits techniques et un peu avec les Laotiens travaillant au camps qui sont francophones ou traduits par notre interprète multitâche Xavier Rivaux.
Johann et moi, nous nous briefons très régulièrement pour réorienter nos réalisations du jour. Car notre plan de travail sur les films que nous avons décidé de produire en amont de notre venue doit sans cesse s’adapter aux activités scientifiques souvent simultanées et toutes passionnantes. Elles sont elles-mêmes conditionnées par la météo et par d’autres facteurs humains ou matériels. Cette expérience professionnelle exigeante exacerbe notre adaptabilité et notre goût pour ce genre de production audiovisuelle.
Pour épicer un peu les choses, les imprévus ne manquent pas, comme éditer plus tôt qu’estimé un DVD de rushs destinés à France 3 en vue d’illustrer une future interview de l’équipe organisatrice. Le tak-tak, taxi local, n’attend pas et nos images sont donc depuis en route pour la France (voir article précédent pour connaître le chemin que parcourt notre DVD). Nous espérons pouvoir visionner ce reportage à notre retour.
Autre imprévu nettement moins sympathique : la perte d’une de nos caméras. Nous touchons du bois (tropical) pour que ce soit l’unique accident de notre séjour. Hier matin, samedi, pendant que je suis perchée en compagnie des grimpeurs à 40 mètres du sol dans une des fourches de l’arbre qui doit accueillir l’Étoile des cimes (voir article précédent), le nœud de la corde portant mon sac se défait. La caméra ne supporte pas la chute d’une dizaine de mètres. Avec un appareil photo de secours, j’arrive à filmer l’approche de la Cinébulle (qui ne transporte pas L’Étoile, Dany Cleyet-Marrel, le pilote et concepteur de la Cinébulle, ne sentant pas les conditions de vol optimales pour une telle manœuvre encore jamais réalisée) avant de revenir au camps et d’avoir un léger contrecoup.
Pendant ce temps, Johann filme de son côté une sortie en forêt avec des herpétologues à la recherche de serpents dans les failles de karst. Il retrouve également les ornithologues qui ont passé la nuit à l’Ikos et qui étudient comment suspendre dans le vide des filets pour capturer des oiseaux inféodés à la canopée, une technique innovante. On peut ressentir leur excitation à l’idée de récolter des données inédites dans leur discipline scientifique. Quant aux botanistes, ils s’impatientent de repartir sur les hauteurs trouver des spécimens d’un bambou en fleur qui leur permettraient peut-être de déterminer une nouvelle espèce végétale au Laos.
Remise de mes émotions du matin, je dégaine de notre stock de matériel un micro et mon appareil photo pour démarrer des diaporamas photographiques et sonores. Quelque part, cela diversifiera notre production, me dis-je. Pendant ce temps, la montgolfière transparente ou Bulle des cimes couvre pudiquement son ventre d’une jupette opaque pour faciliter son guidage. Un mini dirigeable rouge et blanc se colle désormais à son flanc ; il permettra à l’utilisateur de la Bulle de larguer temporairement une patie de l’hélium porteur et ainsi descendre. Truong Quand Nguyen, herpétologue vietnamien, a la chance d’inaugurer l’outil en cette fin de dimanche. Dans une jolie lumière de fin d’après-midi, la magie opère ; doucement, il se hisse en tirant une corde tendue au sommet d’un arbre droit comme un « i ». Puis le cordage devient horizontal et le chercheur, pour la première fois de sa vie, marche sur les arbres. Le test est réussi, bientôt d’autres scientifiques partiront inventorier la biodiversité de la canopée laotienne. Et notre équipe collectera à sa façon des images pour rendre compte de leurs aventures.
Andréa Haug avec Johann Haug
(*) Notre tente sert de salle de séchage de notre matériel électronique, le labo du camps recharge nos multiples batteries, l’atelier fait office de salle de montage et le séchoir laotien de tabac reconverti en entrepôt du matériel du camp héberge, quant à lui, notre propre équipement de tournage. Avant tout déplacement dans le camps, bien réfléchir à ce dont on a besoin pour éviter les kilomètres !
Hey, z’auriez pu le dire que la structure du radeau c’était un système de tenségrité !!! C’est que ça m’intéresse moi ! Et peut être aussi des gens au labo !
Conférence « Plaidoyer pour un arbre » avec Françis Hallé et les premiers rendus de la mission canopée le 11 juin à l’Institut français du Laos à 19h – Venez nombreux!
Beaucoup de plaisir à lire vos aventures. Une grande impatience à attendre vos images et la suite de l’histoire. Plein d’interrogations quant à l’abondance des serpents qui peuplent les fissures du karst, notre terrain de jeu habituel. Et une immeeeeense frustration de ne pas être des votres !
Et bien sûr un espoir : que vous nous dénichiez beaucoup de nouvelles cavités dignes d’être explorées par notre équipe.
Un grand bonjour à Francis, à Gilles et à toute l’équipe.
Charles
Bonjour les grands reporters,
nous suivons avec grand intérêt votre voyage et je suis d’autant passionné par votre aventure que mon père a séjourné au Laos pendant 2 ans (1951-1953). sur mon site Internet je relate son séjour avec les photos et image qu’il a rapporté. il était à Vientiane.
A bientôt
bises
Marcel