Jeudi 10 mai 2012
Arrivée au camps de l’Agame (la précédente appellation « Iguane » ayant été invalidée par nos collègues herpétologues) lundi dernier, après un voyage de deux jours – qui fut en lui-même une aventure marquante -, notre équipe vidéo a démarré sur les chapeaux de roue le tournage de cette fabuleuse expérience d’inventaire de la biodiversité en forêt tropicale du Laos : à l’aube, le survol de la forêt par la Cinébulle, cette montgolfière arc-en-ciel pilotée par Dany Cleyet-Marrel, puis le montage de L’Étoile des cimes, la toute nouvelle invention de l’architecte Gilles Ebersolt, qui sera bientôt déposée par la Cinébulle au cœur de la couronne d’un arbre émergent et enfin le gonflement de la Bulle des cimes, une montgolfière transparente à hélium pour marcher en solo sur la canopée grâce à un circuit de cordes pré-installé. Un dispositif associé de tissage au gré du vent est aussi engagé par Jean-François Reumaux, notre coordinateur laotien.
Tout se met donc progressivement en place pour aider les chercheurs dans leur quête d’échantillons et de données récoltés dans les sylves verdoyantes saturées d’humidité.
En attendant, ça ne chôme pas non plus du côté de la science. Les entomologistes ont posé des pièges à insecte et s’activent de jour comme de nuit. Parfois pendant les repas ou une pause café, ils abandonnent précipitamment leur discussion et leur tabouret pour courir après une espèce de papillon endémique, c’est-à-dire qu’on ne trouve que dans cette zone géographique de la planète. Certains sont fiers (en fait, c’est le cas de tous ces spécialistes) de montrer leur trouvaille de la journée, comme un énorme coléoptère arborant des pattes antérieures démesurées.
Les ornithologues ont eux fait un repérage en plaine forestière, puis dans les pentes karstiques très escarpées et au sommet d’une montagne (on notera à leur retour plusieurs éraflures et marques d’ortie et de palmiers piquants) pour adapter leur étude des différentes espèces d’oiseau. Tout en s’interrogeant sur ce que les mammalogistes nous dégoteront à leur venue dans quelques jours, les « ornitho » rapportent des photos de chauve-souris prises dans les grottes naturelles. Ce soir, ils dorment dans une autre curiosité architecturale de cette mission scientifique : l’Ikos, une plateforme éloignée du campement, idéale pour observer de façon prolongée l’avifaune des environs. Il se pourrait qu’ils reçoivent cette nuit la visite courtoise d’un groupe de singes séjournant dans le coin.
Quant aux herpétologues, ces experts des reptiles et des amphibiens, ils nous ont offert de belles démonstrations dignes des arts du spectacle, comme la maîtrise d’une vipère de 1m50 en pleine mue et de la collecte de son venin, mortel. Un échantillon de sang n’a malheureusement pas pu être prélevé pour venir compléter les données des virologues sur l’évolution de certaines maladies tropicales parfois transmissibles à l’homme, comme l’encéphalite japonaise ou la fièvre typhoïde. Ces derniers récoltent de larves de moustique, un vecteur de virus comme le paludisme, et ils prévoient d’interroger les habitants des villages environnants sur les éventuels cas de maladie.
Plus discrets dans leur « style », ce sont les botanistes laotiens et leurs confrères français dont Francis Hallé, directeur scientifique de la mission. De façon presque rituelle maintenant, pour notre équipe observatrice, ils s’attablent après 14h à l’ombre des arbres ou en cas d’averse sous une voile de bateau recyclée en bâche protectrice, pour la mise en herbier de leur récolte du jour. L’ambiance calme et studieuse de leur travail collectif est un vrai plaisir et contraste avec les précédentes activités nettement plus sportives. La diversité de la vie est ici clairement étalée : fougères courtes ou longues, rameaux d’arbre aux formes diverses, fruits que l’on goûte volontiers, plantes de couleur bordeaux, gris et bien sûr de tous les verts possibles. Tout est nommé, numéroté et glissé dans des feuilles de papier journal en écriture laotienne, puis pressé et entreposé dans la véranda de Francis.
Pour fournir le carburant nécessaire à toute cette joyeuse troupe, Wong et ses acolytes laotiennes toujours souriantes nous préparent d’excellents plats de nouilles aux légumes, de riz collant à la sauce piquante (à consommer avec modération) et de succulentes mangues et autres fruits. Les repas sont aussi l’occasion de conférence, comme hier soir où Maurice Leponce, entomologiste belge, a raconté à un auditoire captivé la vie des termites et des fourmis qu’il étudie depuis des années.
Après avoir terminé ce midi un premier épisode vidéo de cette épopée, nous avons confié une copie à un chauffeur laotien. Pour se rendre à Vientiane, il devra faire deux heures de tak-tak, sorte de taxi local, puis une heure de pirogue pour traverser la montagne sur 7 km, et enfin cinq heures de route pas toujours goudronnée pour remettre le film à un webmaster. Ce dernier mettra la vidéo en ligne et avertira l’équipe de coordination médias basée à Paris. Cette dernière prendra alors le relai et fera le nécessaire pour vous permettre de visionner ces premières images. Bien sûr, notre équipe planche déjà sur le prochain épisode vidéo de cette expédition naturelle hors normes ; il reste tellement de choses à découvrir et à montrer.
Andréa Haug et Johann Haug
Agence SistaBroza